L'avarice à la mode de Haute Bretagne
Comme le français avec le fric, le flouze, le pèze, le pognon, le blé, l’oseille, le gallo ne manque pas de mots pour désigner l’argent avec le ghézon, la ghénochéye, le péguémène, le ménécaille, la grebillerie, le tabac. Un sou est un sou disaient nos grands-mères qui n’auraient pas laissé traîner par terre un bout de ficelle. Ça peut toujours servir, ajoutaient-elles, en le glissant dans leur poche. Elles n’étaient pas rapines, radines, mais il fallait être économe car la pâture étant souvent rase. Alors pas question de brûler la chandelle par les deux bouts ou jeter l’argent par su la p’tite porte. Elles n’en étaient pas moins généreuses. Elles avaient certainement le qheur su la main et pas comme certains le pognet coupé ou mal à la main qui donne. Comme elles nous le répétaient souvent, le bon Dieu nous a pourvu de deux mains, eune pour donner, l’aote pour ersevère, une pour donner, l’autre pour recevoir.
A côté d’elles, les plus riches n’étaient pas tous nés natifs de Saint-Donan, ils étaient plutôt de Saint-Prenan ou du villaige d’en face comme on dit par cez non à Bini, par chez nous à Binic et ailleurs aussi sans doute. Nul n’est besoin d’expliquer ce jeu de mots. Précisons tout de même que Saint-Donan n’est point liñye de Saint-Berriu. C’est à deux portées d'fusil, une sabotéye et une hérussèye, pas loin de Saint-Brieuc, à deux portées de fusil, en une traite et une glissade. Là, comme ailleurs en pays gallo, les grippe-sous, les râpiats, les crézus, les crassous, les meuzettous, les chichous, les guerdins, en un mot, les avares sont l’objet de divers piques et quolibets.
Du monde de méme, des peigne-culs à l’avarice come pas deue, des gens comme ça, avares comme pas deux, se révèlent souvent à table. Des chie-la-pa (poix) qui écorch’raient un poué pour lu mojer la piao, ils écorcheraient un pou pour lui manger la peau. Par conséquent, dirait-on familièrement, i n’ chient point gras, i n’crottent point épais, tant ils s’efforcent de réduire les portions dans les assiettes. C’est pourquoi sans doute i mojeraient bin lou merde deux faïyes, ils mangeraient bien leurs excréments deux fois.
Vous craignez peu de voir le toit de ces soupe-tout-sous, soupe-tout-seul, vous tomber sur le dos car ils vous invitent trop rarement à entrer chez eux. Et si par hasard vous parvenez à franchir le seuil de leur porte, c’est à peine s’ils vous offrent à boire eune faillie bolée de cite tué, pas même un petit verre de mauvais cidre. I sont encore moins franc ô lou vin, c’est encore pire avec le vin. C’était pourtant la coutume dans les campagnes il y a encore peu de temps. En outre, ils ont le chic pour se donner une raison de ne pas déboucher une bouteille : J’vous donnerais bin un coup à bère mais v’êtes vantié come mé, vous n’ez pas sé, le temps n’est point essélant, je vous offrirais bien un coup à boire mais vous êtes peut-être comme moi, vous n’avez pas soif et le temps n’est pas altérant. Pour aller cez l’monde là, i faodrait avère deues dos et pas d’vente, pour aller chez ces gens-là, il faudrait avoir deux dos et pas de ventre. Et l’on sait pourtant qu’est l’vent’e qui soutient l’dos. Un sac vide ne tient pas debout.
Come à Pllaine-Hâote, le râpiat met ses sous les z’uns su l’zaotes, comme à Plaine-Haute l’avare empile ses sous les uns sur les autres. Il ne lâche pas facilement ses picaillons, à tel point qu’on disait d’un fesse-mathieu d’Finiâ, un avare d’Yffiniac que s’il était allé à Paris avec une pièce de vingt sous entre les deux fesses, i l’aorait core en s’en ertournant, s’il était allé à Paris avec une pièce de 20 sous entre les deux fesses, il l’aurait encore là en revenant. Un autre de Lanfains aurait encore fait mieux. Il aurait été prêt à sortir de nos frontières : Eune pièce ent’les fesses, i s’rait bin allé à Biribi, il aurait pu aller à Biribi avec une pièce entre les fesses. Biribi était le bagne pour les soldats indisciplinés en Afrique du Nord ; même jusque là-bas, pas question de lâcher prise.
L’affaire est serrée et, pour éviter un relâchement qui pourrait être provoqué par un vent paimpolais, prudence étant mère de la sûreté, l’Harpagon gallo va jusqu’à se tartiner où vous savez avec un brin de colle. Alors, les moqueurs y vont de leurs commentaires : il a l’tchu paissé, il a le cul collé. Ce n’est d’ailleurs pas la seule ouverture enduite de glu, celle de son porte-monnaie l’est aussi, il est paissé du porte-monna, dit-on d’un dur à la désacque. Quand on sait en plus que cette bourse-là est en piao d’hérisson pu doulant q’des brôs d’épines, en peau d’hérisson plus douloureux que des épine, on ne s’étonne pas qu’il n’y mette pas la main. Pour les habitants de la côte, c’est un hérissond’mèr, autrement dit un oursin, qui monte la garde à l’entrée de la boursée.
Il y a une cinquantaine d’années, on se souvient des tournées effectuées par les chantous de la Passion pendant la Semaine sainte ou encore celles du Moué de mai, dans la nuit du 30 avril. Les jeunes gens, les garçons, allaient en groupe dans la campagne, de ferme en ferme, chantant les uns les souffrances du Christ et les autres l’arrivée du doux printemps. En retour, ils espéraient une petite récompense, quelques œufs dont ils feraient une omelette plus tard entre eux. Il y avait des crassous, pingres, ou des meuzottous, grigous, qui faisaient semblant de dormir et ne répondaient pas à l’appel des courrous d’nétéye, coureurs de nuit : Fao-ti chanter ? Chanterons-je ? Et s’il leur arrivait de répondre, c’était pour traiter les chanteurs de bande de gueux, de bande de crève-la-faim. Alors, ceux-ci reprenaient la route non sans avoir chanté auparavant : - Paressez, paresseux / Que vote qhu paisse à vos linceus - Paressez, paresseux / Que votre cul colle à vos draps. C’était en effet le mot de la fin donné par les jeunes en tournée à ceux qui ne leur donnaient rien.
L’humour est toujours présent en Bretagne pour faire comprendre à quelqu’un qu’il est restreint du porte-monnâ, c’est-à-dire un peu constipé du portefeuille. Ainsi, au moment où un ouvrier agricole se versait une bonne rasade de la bouteille de goutte posée pour lui sur la table, la patronne avait poussé un cri en disant : Tope, tope n’est point d’liao ! Stop, ce n’est pas de l’eau ! Il avait alors répondu : Si éla avait été d’l’iao, je nn’aorais pas versé aotant, ma fé, si ça avait ét de l’eau, je n’en aurais pas versé autant, ma foi. Un autre, à qui l’on avait donné une tasse de café, avait fait ce compliment plus subtil : Il est bon vote café, éla s’rait p’ché que d’mette d’la goutte dedans, il est bon votre café, ce serait pécher que de mettre de l’eau de vie dedans.
Que la peste soit de l’avarice et des avaricieux, comme aurait dit La Flèche, le valet d’Harpagon.
D.G
L’orgueil à la mode de Basse Bretagne
En breton courant, l’orgueil se traduit par an orgouilh ou ar brasoni ou encore par al lorc’hentezh en langage soutenu. Ce n'est pas seulement un péché capital, c'est le péché capital par excellence ! An hini pennañ, le principal, celui par qui tout le mal arrive. Car, selon l’Eglise, il est à l'origine de tous les autres péchés : la vaine gloire, la jalousie, la colère, la tristesse, l'avarice, la gloutonnerie, la luxure. Rien de moins. La Bible nous enseigne que l'arrogance précède la ruine, et l'orgueil précède la chute.
L'orgueilleux se croit supérieur et plus méritant que les autres individus qu'il méprise. L'orgueil peut aussi prédisposer aux maladies mentales telles que la paranoïa et la dépression. En effet, les personnes orgueilleuses sont souvent perfectionnistes et vivent donc mal les échecs.
C’est le paon, ar paün qui symbolise l’orgueil dans les tableaux de missions. Pourtant, dans la tradition orale bretonne on dit :c’hwezet evel un touseg, être enflé, gonflé comme un crapaud pour désigner quelqu’un très fier, très imbu de sa personne. L’auteur des taolennoù a peut-être, voulu éviter le cumul des mandats, le crapaud étant déjà élu pour représenter l’avarice.
L'orgueil est également le fait de s'attribuer des qualités que l'on n'a pas, de tout rapporter à soi. Une belle image paysanne accusait l’orgueilleux, plus fort en paroles qu’en actes, d’avoir uheloc’h gantañ ar bern teil eget ar bern kolo, son tas de fumier plus haut que son tas de paille. L’importance des fermes d’autrefois était jugée à la taille du tas de fumier qui trônait à l’entrée de la cour. Dans le même registre, il pouvait aussi être qualifié de teodet hir ha dornet berr, muni d’une longue langue et de courtes mains ; donc vantard et peu efficace.
Autrefois, le clergé mettait en garde les paroissiens par cette sentence : ar madoù bras hag an enorioù, eus ar sent a ra diaouloù, les grands biens et les honneurs, changent les saints en diables. On retrouve toujours ici le même discours clérical que sur l’envie, autre péché capital, incitant fermement à respecter l’ordre établi, la règle sociale, à accepter son sort, à ravaler son orgueil.
Les Bretons sont-ils orgueilleux ? Pas sûr ; fiers certainement mais pas suffisants. Il ne faut pas confondre non plus orgueil et honneur. Cet honneur du pauvre qu’a si bien décrit Pierre-Jakez Hélias dans le Cheval d’Orgueil, justement ; admirable tableau de la vie paysanne au Pays bigouden au début du siècle dernier.
D’aucuns avancent qu’il faut rechercher cette relative humilité dans le matriarcat breton. Car, selon certains sociologues, en Bretagne et singulièrement en Basse-Bretagne, les femmes ont souvent porté la culotte, bragoù ha lostenn ganti, pantalon et robe avec elle, en traduction littérale. Et que les hommes n’avaient pas trop intérêt à ramener leur fraise, même à Plougastel.
Dans notre région, l’orgueil, à défaut d’être individuel, était plus souvent collectif. Il se manifestait, à l’époque de la « civilisation paroissiale ». Cette domination des prêtres sur la population des paroisses a perduré jusqu’aux années 60 tout comme les rivalités entre paroisses. Elle atteint son apogée à la fin du XIXe siècle avec la construction de nombreuses églises. C’était aussi à qui aurait le clocher le plus haut, le plus fin, au point même que certains s’effondrèrent, les plus belles bannières et les meilleurs lutteurs. Auparavant, cette émulation inter-paroissiale ajoutée au désir des contributeurs de gagner leur paradis nous a légué ainsi les magnifiques enclos paroissiaux qui mériteraient largement d’être classés au patrimoine mondial de l’Unesco.
C’est aussi ce qui ressort des blasons populaires, ces formulettes rimées adressées entre les habitants de communes voisines dans un but de moquerie. On en trouvera un florilège dans l’ouvrage de Daniel Giraudon justement intitulé : Querelles de clochers.
Alors imaginez la kounnar-ruz, colère rouge des Bigoudens lorsque plusieurs clochers du pays, comme à Plonéour-Lanvern ou à Pont-L’Abbé, qui avaient sonné le tocsin annonçant la révolte des Bonnets Rouges en 1675, furent décapités sur ordre de Louis XIV. La légende prétend que les coiffes des femmes, la célèbre coiffe bigoudène, ont pour cette raison gagné de la hauteur en signe de protestation. Ce n’est qu’une légende, semble-t-il, mais elle est belle.
Des sept péchés capitaux l’orgueil est le seul du genre masculin, Ce n’est peut-être pas par hasard. Mais une question existentielle se pose : est-ce une caractéristique exclusivement masculine ? Ça commence dans la cour d’école où la compétition s’établit entre les écoliers pour savoir lequel pisse le plus loin et ça continue ainsi toute la vie. Les femmes sont nettement moins concernées et pas seulement pour des raisons anatomiques. C’est un domaine où l’on aura du mal à atteindre la parité.
H.L
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Les souffrances de la tentation. Pas facile de résister
Le monde ont bin du deue astoure ô lou tour de taille. Eune écouée d’ghettous d’poué, des « vétvatchous » come i z’ont nom s’ertrouvent eune fé l’moué pour en caozer. Eune couéfe confésse és z’aotes q’alle a graissé : - J’ai fait un gâtiao ao vékende pour mô bonhome et mô gâs, q’a dit. I nn’ont gournaché la mintié dinmanche à midi. Le lundi matin j’étins toute soule à l’hôté, et je n’fezais qe d’zieuter le restant du gâtio. Come je sé un p’tit goulipiaode, j’ai fini par fiancher, je nn’ai coupé eune lichette. Mais j’vas vous confesser qe qant j’ai minye l’erginche-là dans mô bé, j’nai point pu m’éréter. Une noce a sieuvi eune aote et j’ai engherné tout l’gâtiao, grabots et tout. J’tais bin hontouze et j’savais étou q’mô bonhome serait bin bouqué d’ô mé. – Tchiésqi t’a dit qant il a veue éla, demanditent les z’aotes. – Bonne fé, i n’a rin seue, j’ai fait un aote gâtiao et je nn’ai gournaché la mintié.
Les gens ont bien du mal aujourd’hui avec leur ligne. Un groupe de weightwatchers comme ils s’appellent se retrouvent une fois par mois pour en parler. Une femme avoue aux autres qu’elle a engraissé : - Au week-end, dit-elle, j’ai fait un gâteau pour mon mari et mon fils. Ils en ont mangé la moitié dimanche au déjeuner. Le lundi matin, j’étais seule à la maison et je ne faisais que regarder ce qui restait du gâteau. Comme je suis un peu gourmande, j’ai fini par craquer, j’en ai coupé une petite tranche. Mais je vais vous avouer que lorsque j’ai porté ce morceau-là à ma bouche, je n’ai pas pu m’arrêter. Une tranche en a suivi une autre et j’ai fini par avaler le gâteau, miettes et tout. J’avais honte et je savais que mon mari serait fâché après moi. – Qu’est-ce qu’il t’a dit quand il a vu ça ? demandèrent les autres. – En fait, il n’a rien su, j’ai fait un autre gâteau et j’en ai mangé la moitié.
Na pegen start eo evit an dud klask chom moan a gorf, d’an deiz-a-hirio ! En em vodañ a ra ur wech ar miz ur strollad kollpouezdillo evit komz diwar-se, just a-walc’h. Ansav a ra ur vaouez d’a re all he doa gwellaet : - D’an dibenn sizhun dremenet, emezi, em boa fardet ur wastell evit va gwaz ha va mab. Debret o doa an hanter diouti disul da lein. Diouzh al Lun vintin e oan va unan er gêr hag e oan o tarluchañ disehan ouzh ar pezh a chome deus ar wastell-se. Lipous a-walc’h on, kea, setu aet oan warni. Un tamm bihan am boa troc’het met ne oan ket bet gouest da chom a-sav goude bezañ tañvaet anezhañ. Ha tamm goude tamm oa aet ar wastell da vann, lonket eo bet, bruzunoù hag all. Mezh em boa ha gouzout a ouezen mat e vefen bet skandalet gant va gwaz. - Petra n’eus lavaret dit, neuze, p’en doa gwelet kement-se ? - Feiz ! N’eus merzet netra, fardet em eus ur wastell all ha debret an hanter diouti.
Comme le français avec le fric, le flouze, le pèze, le pognon, le blé, l’oseille, le gallo ne manque pas de mots pour désigner l’argent avec le ghézon, la ghénochéye, le péguémène, le ménécaille, la grebillerie, le tabac. Un sou est un sou disaient nos grands-mères qui n’auraient pas laissé traîner par terre un bout de ficelle. Ça peut toujours servir, ajoutaient-elles, en le glissant dans leur poche. Elles n’étaient pas rapines, radines, mais il fallait être économe car la pâture étant souvent rase. Alors pas question de brûler la chandelle par les deux bouts ou jeter l’argent par su la p’tite porte. Elles n’en étaient pas moins généreuses. Elles avaient certainement le qheur su la main et pas comme certains le pognet coupé ou mal à la main qui donne. Comme elles nous le répétaient souvent, le bon Dieu nous a pourvu de deux mains, eune pour donner, l’aote pour ersevère, une pour donner, l’autre pour recevoir.
A côté d’elles, les plus riches n’étaient pas tous nés natifs de Saint-Donan, ils étaient plutôt de Saint-Prenan ou du villaige d’en face comme on dit par cez non à Bini, par chez nous à Binic et ailleurs aussi sans doute. Nul n’est besoin d’expliquer ce jeu de mots. Précisons tout de même que Saint-Donan n’est point liñye de Saint-Berriu. C’est à deux portées d'fusil, une sabotéye et une hérussèye, pas loin de Saint-Brieuc, à deux portées de fusil, en une traite et une glissade. Là, comme ailleurs en pays gallo, les grippe-sous, les râpiats, les crézus, les crassous, les meuzettous, les chichous, les guerdins, en un mot, les avares sont l’objet de divers piques et quolibets.
Du monde de méme, des peigne-culs à l’avarice come pas deue, des gens comme ça, avares comme pas deux, se révèlent souvent à table. Des chie-la-pa (poix) qui écorch’raient un poué pour lu mojer la piao, ils écorcheraient un pou pour lui manger la peau. Par conséquent, dirait-on familièrement, i n’ chient point gras, i n’crottent point épais, tant ils s’efforcent de réduire les portions dans les assiettes. C’est pourquoi sans doute i mojeraient bin lou merde deux faïyes, ils mangeraient bien leurs excréments deux fois.
Vous craignez peu de voir le toit de ces soupe-tout-sous, soupe-tout-seul, vous tomber sur le dos car ils vous invitent trop rarement à entrer chez eux. Et si par hasard vous parvenez à franchir le seuil de leur porte, c’est à peine s’ils vous offrent à boire eune faillie bolée de cite tué, pas même un petit verre de mauvais cidre. I sont encore moins franc ô lou vin, c’est encore pire avec le vin. C’était pourtant la coutume dans les campagnes il y a encore peu de temps. En outre, ils ont le chic pour se donner une raison de ne pas déboucher une bouteille : J’vous donnerais bin un coup à bère mais v’êtes vantié come mé, vous n’ez pas sé, le temps n’est point essélant, je vous offrirais bien un coup à boire mais vous êtes peut-être comme moi, vous n’avez pas soif et le temps n’est pas altérant. Pour aller cez l’monde là, i faodrait avère deues dos et pas d’vente, pour aller chez ces gens-là, il faudrait avoir deux dos et pas de ventre. Et l’on sait pourtant qu’est l’vent’e qui soutient l’dos. Un sac vide ne tient pas debout.
Come à Pllaine-Hâote, le râpiat met ses sous les z’uns su l’zaotes, comme à Plaine-Haute l’avare empile ses sous les uns sur les autres. Il ne lâche pas facilement ses picaillons, à tel point qu’on disait d’un fesse-mathieu d’Finiâ, un avare d’Yffiniac que s’il était allé à Paris avec une pièce de vingt sous entre les deux fesses, i l’aorait core en s’en ertournant, s’il était allé à Paris avec une pièce de 20 sous entre les deux fesses, il l’aurait encore là en revenant. Un autre de Lanfains aurait encore fait mieux. Il aurait été prêt à sortir de nos frontières : Eune pièce ent’les fesses, i s’rait bin allé à Biribi, il aurait pu aller à Biribi avec une pièce entre les fesses. Biribi était le bagne pour les soldats indisciplinés en Afrique du Nord ; même jusque là-bas, pas question de lâcher prise.
L’affaire est serrée et, pour éviter un relâchement qui pourrait être provoqué par un vent paimpolais, prudence étant mère de la sûreté, l’Harpagon gallo va jusqu’à se tartiner où vous savez avec un brin de colle. Alors, les moqueurs y vont de leurs commentaires : il a l’tchu paissé, il a le cul collé. Ce n’est d’ailleurs pas la seule ouverture enduite de glu, celle de son porte-monnaie l’est aussi, il est paissé du porte-monna, dit-on d’un dur à la désacque. Quand on sait en plus que cette bourse-là est en piao d’hérisson pu doulant q’des brôs d’épines, en peau d’hérisson plus douloureux que des épine, on ne s’étonne pas qu’il n’y mette pas la main. Pour les habitants de la côte, c’est un hérissond’mèr, autrement dit un oursin, qui monte la garde à l’entrée de la boursée.
Il y a une cinquantaine d’années, on se souvient des tournées effectuées par les chantous de la Passion pendant la Semaine sainte ou encore celles du Moué de mai, dans la nuit du 30 avril. Les jeunes gens, les garçons, allaient en groupe dans la campagne, de ferme en ferme, chantant les uns les souffrances du Christ et les autres l’arrivée du doux printemps. En retour, ils espéraient une petite récompense, quelques œufs dont ils feraient une omelette plus tard entre eux. Il y avait des crassous, pingres, ou des meuzottous, grigous, qui faisaient semblant de dormir et ne répondaient pas à l’appel des courrous d’nétéye, coureurs de nuit : Fao-ti chanter ? Chanterons-je ? Et s’il leur arrivait de répondre, c’était pour traiter les chanteurs de bande de gueux, de bande de crève-la-faim. Alors, ceux-ci reprenaient la route non sans avoir chanté auparavant : - Paressez, paresseux / Que vote qhu paisse à vos linceus - Paressez, paresseux / Que votre cul colle à vos draps. C’était en effet le mot de la fin donné par les jeunes en tournée à ceux qui ne leur donnaient rien.
L’humour est toujours présent en Bretagne pour faire comprendre à quelqu’un qu’il est restreint du porte-monnâ, c’est-à-dire un peu constipé du portefeuille. Ainsi, au moment où un ouvrier agricole se versait une bonne rasade de la bouteille de goutte posée pour lui sur la table, la patronne avait poussé un cri en disant : Tope, tope n’est point d’liao ! Stop, ce n’est pas de l’eau ! Il avait alors répondu : Si éla avait été d’l’iao, je nn’aorais pas versé aotant, ma fé, si ça avait ét de l’eau, je n’en aurais pas versé autant, ma foi. Un autre, à qui l’on avait donné une tasse de café, avait fait ce compliment plus subtil : Il est bon vote café, éla s’rait p’ché que d’mette d’la goutte dedans, il est bon votre café, ce serait pécher que de mettre de l’eau de vie dedans.
Que la peste soit de l’avarice et des avaricieux, comme aurait dit La Flèche, le valet d’Harpagon.
D.G
L’orgueil à la mode de Basse Bretagne
En breton courant, l’orgueil se traduit par an orgouilh ou ar brasoni ou encore par al lorc’hentezh en langage soutenu. Ce n'est pas seulement un péché capital, c'est le péché capital par excellence ! An hini pennañ, le principal, celui par qui tout le mal arrive. Car, selon l’Eglise, il est à l'origine de tous les autres péchés : la vaine gloire, la jalousie, la colère, la tristesse, l'avarice, la gloutonnerie, la luxure. Rien de moins. La Bible nous enseigne que l'arrogance précède la ruine, et l'orgueil précède la chute.
L'orgueilleux se croit supérieur et plus méritant que les autres individus qu'il méprise. L'orgueil peut aussi prédisposer aux maladies mentales telles que la paranoïa et la dépression. En effet, les personnes orgueilleuses sont souvent perfectionnistes et vivent donc mal les échecs.
C’est le paon, ar paün qui symbolise l’orgueil dans les tableaux de missions. Pourtant, dans la tradition orale bretonne on dit :c’hwezet evel un touseg, être enflé, gonflé comme un crapaud pour désigner quelqu’un très fier, très imbu de sa personne. L’auteur des taolennoù a peut-être, voulu éviter le cumul des mandats, le crapaud étant déjà élu pour représenter l’avarice.
L'orgueil est également le fait de s'attribuer des qualités que l'on n'a pas, de tout rapporter à soi. Une belle image paysanne accusait l’orgueilleux, plus fort en paroles qu’en actes, d’avoir uheloc’h gantañ ar bern teil eget ar bern kolo, son tas de fumier plus haut que son tas de paille. L’importance des fermes d’autrefois était jugée à la taille du tas de fumier qui trônait à l’entrée de la cour. Dans le même registre, il pouvait aussi être qualifié de teodet hir ha dornet berr, muni d’une longue langue et de courtes mains ; donc vantard et peu efficace.
Autrefois, le clergé mettait en garde les paroissiens par cette sentence : ar madoù bras hag an enorioù, eus ar sent a ra diaouloù, les grands biens et les honneurs, changent les saints en diables. On retrouve toujours ici le même discours clérical que sur l’envie, autre péché capital, incitant fermement à respecter l’ordre établi, la règle sociale, à accepter son sort, à ravaler son orgueil.
Les Bretons sont-ils orgueilleux ? Pas sûr ; fiers certainement mais pas suffisants. Il ne faut pas confondre non plus orgueil et honneur. Cet honneur du pauvre qu’a si bien décrit Pierre-Jakez Hélias dans le Cheval d’Orgueil, justement ; admirable tableau de la vie paysanne au Pays bigouden au début du siècle dernier.
D’aucuns avancent qu’il faut rechercher cette relative humilité dans le matriarcat breton. Car, selon certains sociologues, en Bretagne et singulièrement en Basse-Bretagne, les femmes ont souvent porté la culotte, bragoù ha lostenn ganti, pantalon et robe avec elle, en traduction littérale. Et que les hommes n’avaient pas trop intérêt à ramener leur fraise, même à Plougastel.
Dans notre région, l’orgueil, à défaut d’être individuel, était plus souvent collectif. Il se manifestait, à l’époque de la « civilisation paroissiale ». Cette domination des prêtres sur la population des paroisses a perduré jusqu’aux années 60 tout comme les rivalités entre paroisses. Elle atteint son apogée à la fin du XIXe siècle avec la construction de nombreuses églises. C’était aussi à qui aurait le clocher le plus haut, le plus fin, au point même que certains s’effondrèrent, les plus belles bannières et les meilleurs lutteurs. Auparavant, cette émulation inter-paroissiale ajoutée au désir des contributeurs de gagner leur paradis nous a légué ainsi les magnifiques enclos paroissiaux qui mériteraient largement d’être classés au patrimoine mondial de l’Unesco.
C’est aussi ce qui ressort des blasons populaires, ces formulettes rimées adressées entre les habitants de communes voisines dans un but de moquerie. On en trouvera un florilège dans l’ouvrage de Daniel Giraudon justement intitulé : Querelles de clochers.
Alors imaginez la kounnar-ruz, colère rouge des Bigoudens lorsque plusieurs clochers du pays, comme à Plonéour-Lanvern ou à Pont-L’Abbé, qui avaient sonné le tocsin annonçant la révolte des Bonnets Rouges en 1675, furent décapités sur ordre de Louis XIV. La légende prétend que les coiffes des femmes, la célèbre coiffe bigoudène, ont pour cette raison gagné de la hauteur en signe de protestation. Ce n’est qu’une légende, semble-t-il, mais elle est belle.
Des sept péchés capitaux l’orgueil est le seul du genre masculin, Ce n’est peut-être pas par hasard. Mais une question existentielle se pose : est-ce une caractéristique exclusivement masculine ? Ça commence dans la cour d’école où la compétition s’établit entre les écoliers pour savoir lequel pisse le plus loin et ça continue ainsi toute la vie. Les femmes sont nettement moins concernées et pas seulement pour des raisons anatomiques. C’est un domaine où l’on aura du mal à atteindre la parité.
H.L
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Les souffrances de la tentation. Pas facile de résister
Le monde ont bin du deue astoure ô lou tour de taille. Eune écouée d’ghettous d’poué, des « vétvatchous » come i z’ont nom s’ertrouvent eune fé l’moué pour en caozer. Eune couéfe confésse és z’aotes q’alle a graissé : - J’ai fait un gâtiao ao vékende pour mô bonhome et mô gâs, q’a dit. I nn’ont gournaché la mintié dinmanche à midi. Le lundi matin j’étins toute soule à l’hôté, et je n’fezais qe d’zieuter le restant du gâtio. Come je sé un p’tit goulipiaode, j’ai fini par fiancher, je nn’ai coupé eune lichette. Mais j’vas vous confesser qe qant j’ai minye l’erginche-là dans mô bé, j’nai point pu m’éréter. Une noce a sieuvi eune aote et j’ai engherné tout l’gâtiao, grabots et tout. J’tais bin hontouze et j’savais étou q’mô bonhome serait bin bouqué d’ô mé. – Tchiésqi t’a dit qant il a veue éla, demanditent les z’aotes. – Bonne fé, i n’a rin seue, j’ai fait un aote gâtiao et je nn’ai gournaché la mintié.
Les gens ont bien du mal aujourd’hui avec leur ligne. Un groupe de weightwatchers comme ils s’appellent se retrouvent une fois par mois pour en parler. Une femme avoue aux autres qu’elle a engraissé : - Au week-end, dit-elle, j’ai fait un gâteau pour mon mari et mon fils. Ils en ont mangé la moitié dimanche au déjeuner. Le lundi matin, j’étais seule à la maison et je ne faisais que regarder ce qui restait du gâteau. Comme je suis un peu gourmande, j’ai fini par craquer, j’en ai coupé une petite tranche. Mais je vais vous avouer que lorsque j’ai porté ce morceau-là à ma bouche, je n’ai pas pu m’arrêter. Une tranche en a suivi une autre et j’ai fini par avaler le gâteau, miettes et tout. J’avais honte et je savais que mon mari serait fâché après moi. – Qu’est-ce qu’il t’a dit quand il a vu ça ? demandèrent les autres. – En fait, il n’a rien su, j’ai fait un autre gâteau et j’en ai mangé la moitié.
Na pegen start eo evit an dud klask chom moan a gorf, d’an deiz-a-hirio ! En em vodañ a ra ur wech ar miz ur strollad kollpouezdillo evit komz diwar-se, just a-walc’h. Ansav a ra ur vaouez d’a re all he doa gwellaet : - D’an dibenn sizhun dremenet, emezi, em boa fardet ur wastell evit va gwaz ha va mab. Debret o doa an hanter diouti disul da lein. Diouzh al Lun vintin e oan va unan er gêr hag e oan o tarluchañ disehan ouzh ar pezh a chome deus ar wastell-se. Lipous a-walc’h on, kea, setu aet oan warni. Un tamm bihan am boa troc’het met ne oan ket bet gouest da chom a-sav goude bezañ tañvaet anezhañ. Ha tamm goude tamm oa aet ar wastell da vann, lonket eo bet, bruzunoù hag all. Mezh em boa ha gouzout a ouezen mat e vefen bet skandalet gant va gwaz. - Petra n’eus lavaret dit, neuze, p’en doa gwelet kement-se ? - Feiz ! N’eus merzet netra, fardet em eus ur wastell all ha debret an hanter diouti.