Publicité Le Trésor du breton rimé Mimologismes d'oiseaux | |
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Le trésor du breton rimé
Mimologismes d’oiseaux
Al loened o komz
Parution Juin 2011
Editions Emgleo Breiz 284 pages, 16,90 euros
Les noms d'oiseaux, il connaît. Leurs chants aussi. Chantre du breton buissonnier, DanielGiraudon vient de sortir un drôle d'ouvrage sur les mimologismes, ces expressions populaires imitant, entre autres, les cris des oiseaux. Un bon moyen d'apprendre le brezhoneg avant d'ouvrir son bec.
"Paie un coup, tonton/Paie un coup tonton...". Daniel Giraudon n'est pas du genre ramier. Mais quand il s'agit d'imiter le pigeon, l'homme de Ploubezre, près de Lannion (22), se rengorge et roucoule jusqu'à plus soif. Ces vocalises, à rapprocher du fameux "Tiens bon/Tiens bon" des sirènes des pompiers, ou encore du "T'es foutu/T'es foutu" de l'ambulance, ont un nom: on les appelle mimologismes. Ou l'art de traduire "en langage humain" les "bruits, cris et chants émis par des éléments, des objets, des êtres (autres que les hommes) privés de parole", explique le professeur honoraire de l'université de Brest, dans son dernier ouvrage, "Le trésor du breton rimé".
Une collecte de 40 années
Conteur dans l'âme, Daniel Giraudon est tombé en amour pour le breton populaire à l'aube du premier choc pétrolier. À cette époque où le bitume se généralise sur les routes d'Armorique, l'enfant de Binic, en Pays Gallo, décide de prendre les chemins de traverse. Carnet de campagne en main, magnéto de l'autre, il entame alors la quête d'une vie: celle du breton populaire qu'il consigne dans maints bouquins et refuse de voir s'éteindre au rythme de l'urbanisation galopante. Quarante ans plus tard, et plusieurs centaines d'interviews menées en Basse-Bretagne auprès des anciens, l'ex-prof d'anglais, devenu chercheur au Centre de recherches bretonnes et celtiques (CRBC), s'en revient avec un dernier collectage savoureux.
Poésie rustique
«Des petits comprimés de sagesse en vers», comme il l'écrit, où joutes verbales et formulettes se télescopent au rythme des saisons et de la vie des campagnes. «Cette littérature orale ne mérite pas de tomber dans l'oubli», résume-t-il, convaincu, sans le dire, que derrière chacun de ses interlocuteurs se cache un La Fontaine qui s'ignore. Cette «poésie rustique», souvent «drôle» dixit le spécialiste du patrimoine oral, n'a pas son pareil pour donner la parole au coq, à l'alouette, et autres grives. Et pour cause! À l'heure de labourer son journal de terre, «le paysan prenait le temps d'écouter», résume Daniel Giraudon, tendant lui-même la feuille. Dans le grand auditorium des champs, l'homme apprend le merle, le pinson, et calque ses expressions sur tout ce qui piaffe. Quitte à faire pouffer! «Le parler des anciens, c'est le grand dialogue de la nature», avance Daniel Giraudon, qui dans sa volière de linguiste, enfile des perles qui sonnent mieux que pas mal de discours.
Coqs en stock
Ainsi de ce dialogue entre deux coqs, pas du genre à ergoter, glané à La Chapelle-Neuve: "N'eo ket eet if ar hoz d'ar gêr c'hoaz? Nann, gand e eil kovad eman". Nul besoin de maîtriser la langue de Jakez Hélias pour entendre ces deux-là caqueter. Et quand, en écho, s'invite la traduction - "Yves Le Coz n'est pas encore rentré à la maison? Non, il prend sa deuxième cuite" - on prend au passage un deuxième coup sur le bec. Cet inventaire, façon prés verts, Daniel Giraudon l'a mené "pour rappeler des souvenirs aux anciens". Et aussi pour éclairer les jeunes locuteurs "sur une culture et ses racines, car ces mimologismes sont bien plus que des mots". Surtout sous sa plume.
Arnaud Morvan ( Le Telegramme 27 Juin 2011)
"Paie un coup, tonton/Paie un coup tonton...". Daniel Giraudon n'est pas du genre ramier. Mais quand il s'agit d'imiter le pigeon, l'homme de Ploubezre, près de Lannion (22), se rengorge et roucoule jusqu'à plus soif. Ces vocalises, à rapprocher du fameux "Tiens bon/Tiens bon" des sirènes des pompiers, ou encore du "T'es foutu/T'es foutu" de l'ambulance, ont un nom: on les appelle mimologismes. Ou l'art de traduire "en langage humain" les "bruits, cris et chants émis par des éléments, des objets, des êtres (autres que les hommes) privés de parole", explique le professeur honoraire de l'université de Brest, dans son dernier ouvrage, "Le trésor du breton rimé".
Une collecte de 40 années
Conteur dans l'âme, Daniel Giraudon est tombé en amour pour le breton populaire à l'aube du premier choc pétrolier. À cette époque où le bitume se généralise sur les routes d'Armorique, l'enfant de Binic, en Pays Gallo, décide de prendre les chemins de traverse. Carnet de campagne en main, magnéto de l'autre, il entame alors la quête d'une vie: celle du breton populaire qu'il consigne dans maints bouquins et refuse de voir s'éteindre au rythme de l'urbanisation galopante. Quarante ans plus tard, et plusieurs centaines d'interviews menées en Basse-Bretagne auprès des anciens, l'ex-prof d'anglais, devenu chercheur au Centre de recherches bretonnes et celtiques (CRBC), s'en revient avec un dernier collectage savoureux.
Poésie rustique
«Des petits comprimés de sagesse en vers», comme il l'écrit, où joutes verbales et formulettes se télescopent au rythme des saisons et de la vie des campagnes. «Cette littérature orale ne mérite pas de tomber dans l'oubli», résume-t-il, convaincu, sans le dire, que derrière chacun de ses interlocuteurs se cache un La Fontaine qui s'ignore. Cette «poésie rustique», souvent «drôle» dixit le spécialiste du patrimoine oral, n'a pas son pareil pour donner la parole au coq, à l'alouette, et autres grives. Et pour cause! À l'heure de labourer son journal de terre, «le paysan prenait le temps d'écouter», résume Daniel Giraudon, tendant lui-même la feuille. Dans le grand auditorium des champs, l'homme apprend le merle, le pinson, et calque ses expressions sur tout ce qui piaffe. Quitte à faire pouffer! «Le parler des anciens, c'est le grand dialogue de la nature», avance Daniel Giraudon, qui dans sa volière de linguiste, enfile des perles qui sonnent mieux que pas mal de discours.
Coqs en stock
Ainsi de ce dialogue entre deux coqs, pas du genre à ergoter, glané à La Chapelle-Neuve: "N'eo ket eet if ar hoz d'ar gêr c'hoaz? Nann, gand e eil kovad eman". Nul besoin de maîtriser la langue de Jakez Hélias pour entendre ces deux-là caqueter. Et quand, en écho, s'invite la traduction - "Yves Le Coz n'est pas encore rentré à la maison? Non, il prend sa deuxième cuite" - on prend au passage un deuxième coup sur le bec. Cet inventaire, façon prés verts, Daniel Giraudon l'a mené "pour rappeler des souvenirs aux anciens". Et aussi pour éclairer les jeunes locuteurs "sur une culture et ses racines, car ces mimologismes sont bien plus que des mots". Surtout sous sa plume.
Arnaud Morvan ( Le Telegramme 27 Juin 2011)